Voix hors champ : Après plus de cinq siècles de prospérité, l’abbaye va décliner. À la révolution, les moines sont expulsés. Le mobilier et les objets de valeur sont dispersés. En 1856, les bâtiments sont finalement rachetés pour accueillir un orphelinat de jeunes filles. Présentateur : On ne le soupçonne peut-être pas Cyril, mais nous sommes en train de mettre nos pas dans ceux d’un personnage plus contemporain, très célèbre, une star mondiale on peut dire. Cyril Lecointe : Effectivement, c’est à la fin du 19e siècle, en 1896, qu’une petite fille va arriver ici dans des conditions un peu particulières, à l’âge de 12 ans. Petite fille qui va être abandonnée par son papa suite au décès de sa maman à Brive, non loin d’ici. Cette petite fille, c’est Gabrielle Chasnel voilà, Coco. Et donc, vous allez comprendre un peu l’influence que ce lieu a eu sur sa carrière, sur son inspiration. Présentateur : Elle va y passer combien d’années de sa vie ? Cyril Lecointe : Alors elle va y passer – on pense – au maximum six ans de sa vie. Présentateur : Donc elle empruntait ce couloir là, avec ce merveilleux sol en pisé. Cyril Lecointe : Voilà elles passaient, les petites filles, tous les jours dans ces couloirs, parce que les dortoirs étaient à l’étage là-haut. Et puis surtout, eh bien tous les dimanches, elles empruntaient ce passage. Alors c’est un passage, vous allez le voir, qui est assez impressionnant et marquant. Et effectivement, Chanel va s’en inspirer aussi par la suite.
Présentateur : Cette arrivée dans l’abbatiale est très impressionnante. Cyril Lecointe : Il faut s’imaginer à l’âge de 12 ans descendre ici les dimanches matins reste quand même un passage impressionnant. Alors Éric, on ne peut pas venir dans cette abbatiale sans venir découvrir quelque chose d’assez exceptionnel, il s’agit de cet ensemble de vitraux cisterciens d’origine. C’est unique au monde : des vitraux du 12e siècle. Si on regarde bien de près, on retrouve un peu le système des entrelacs qu’a réutilisait Chanel avec ses deux C entrelacés. On a énormément d’histoires et de coïncidences entre Chanel et cette abbaye. Elle s’est inspirée d’énormément de choses tout au long de sa carrière ici : des couleurs, du noir et blanc des religieuses, de la petite robe noire des orphelines… cet esprit épuré cistercien qu’elle va reprendre tout au long de sa carrière et qui fera sa notoriété mondiale, celle qui va lancer le style français. On pourrait dire que c’est grâce aux Cisterciens. Et puis évidemment, il y a tous ces motifs dans les sols du dortoir qu’elle va reprendre pour des collections de bijoux : les soleils, les lunes et puis cette fameuse étoile à cinq branches qu’elle réutilisera tout au long de sa carrière comme symbole porte-bonheur… Le cinq qui était le chiffre porte-bonheur, son parfum. C’était toujours le cinq du mois qu’elle faisait son défilé, et cetera, et cetera. Présentateur : Je sens que tu as tissé un lien toi aussi très intime avec cet endroit. Cyril Lecointe : Alors tout à fait, oui. Parce qu’une fois qu’on met les pieds dans cet endroit merveilleux, c’est… Présentateur : Il se dégage quelque chose ? Cyril Lecointe : Ah oui, c’est quelque chose. Ça aspire. C’est un lieu tellement beau, tellement reposant. Et puis ben voilà, c’est quand même une fierté pour nous dans cette région d’avoir ce bijou-là, caché en plein milieu de la forêt toujours. Et voilà, c’est notre petit trésor.
l’abbaye et son jardin
l’escalier qui relie l’abbaye à son abbatiale
le sol en pisé, caractéristique de la région
un vitrail de l’abbatiale, orné d’entrelacs (photos par allofle)