Gainsbourg, chantant : Je suis le poinçonneur des Lilas, le gars qu’on croise et qu’on ne regarde pas, y a pas de soleil sous la terre, drôle de croisière, pour tuer l’ennui j’ai dans ma veste, les extraits du Reader Digest. Voix hors champ : Des petits trous pour une grande carrière. Il y a soixante ans, le poinçonneur a révélé un chanteur. Car avec cette mélodie, Gainsbourg, qui à l’époque est peintre, a définitivement lâché ses pinceaux pour le micro. Gainsbourg, chantant : Paraît que y a pas de sot métier, moi je fais des trous dans des billets. Voix hors champ : En 1958, Serge Gainsbourg étudie les beaux-arts dans une école de Pigalle, mais pour gagner sa vie, il accompagne à la guitare des artistes dans ce cabaret de travestis. Il est aussi le pianiste d’une chanteuse à succès chez Milord l’Arsouille, un cabaret qui se trouvait ici dans une ruelle du Palais-Royal. Michèle Arnaud, qui chante du Gainsbourg, le persuade alors d’interpréter lui-même ce qu’il a écrit. Michèle Arnaud : Vous allez l’entendre et vous allez pouvoir en juger. Gainsbourg, chantant : Je suis le poinçonneur des Lilas… Voix hors champ : Mais d’où lui vient cette idée de chanson sur un poinçonneur du métro ? À l’époque, le poinçonneur, c’est un contrôleur de billets à l’entrée. Il perfore les billets pour les valider. Gainsbourg, qui habite Porte Dauphine, prend le métro en bas de chez lui, et son poinçonneur va devenir son bienfaiteur. Gainsbourg : Je le voyais tous les jours, le pauvre bougre. Je lui ai dit : « Mais qu’est-ce que vous souhaitez le plus ? ». Il m’a dit : « Monter à la surface. ». Alors j’ai eu donc, toute ma chanson était faite. Jacques Canetti : Voici donc notre Serge Gainsbourg qui se met à composer des chansons, et quelles chansons ! Voix hors champ : Jacques Canetti le remarque. C’est le producteur de Brassens, de Brel et de Boris Vian. Dans son théâtre Des Trois Baudets, il offre à Gainsbourg sa première grande scène. Simone Langlois, chantant dans une vidéo d’époque : J’ai vendu mon âme au diable. Voix hors champ : Simone Langlois est alors une chanteuse vedette dans ce théâtre. Elle voit le débutant Gainsbourg conquérir le public et vaincre tant bien que mal sa timidité. Simone Langlois : Il savait ce qu’il était. Il imposait sa timidité. Tout à fait différent. Ça a marché assez vite. Il a pas traîné longtemps avec Le Poinçonneur des Lilas. Les Frères Jacques, chantant : Y a pas de soleil sous la terre… Voix hors champ : Le succès est au rendez-vous. Les célèbres Frères Jacques l’enregistrent à leur tour et dans leur style. Et si le poinçonneur a déjà changé le destin du peintre Gainsbourg, voilà qu’elle bouscule celui du sculpteur Hugues Aufray. En 59, il remporte un concours de chanson avec cette mélodie. Hughes Aufray : … si vous voulez, ma carrière professionnelle. C’est-à-dire que je sors de dix années, une sorte d’amateurisme, je ne voulais pas être chanteur. Je faisais ça pour gagner ma vie en disant que, plus tard, dès que j’aurai un peu de sou, je vais faire de la peinture et de la sculpture. Voix hors champ : Des petits trous aux grands trous, cette chanson a suivi Gainsbourg toute sa carrière. Depuis sa disparition il y a dix-sept ans, sa tombe est toujours fleurie de tickets de métro par ses admirateurs.
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Je suis le poinçonneur des Lilas Le gars qu’on croise et qu’on ne regarde pas Y a pas de soleil sous la terre Drôle de croisière Pour tuer l’ennui j’ai dans ma veste Les extraits du Reader Digest
Et dans ce bouquin y a écrit Que des gars se la coulent douce à Miami Pendant ce temps que je fais le zouave Au fond de la cave Paraît que y a pas de sot métier Moi je fais des trous dans des billets
Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous Des trous de seconde classe Des trous de première classe Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous Des petits trous, des petits trous Des petits trous, des petits trous
Je suis le poinçonneur des Lilas Pour Invalides changez à Opéra Je vis au cœur de la planète J’ai dans la tête Un carnaval de confettis J’en amène jusque dans mon lit
Et sous mon ciel de faïence Je ne vois briller que les correspondances Parfois je rêve je divague Je vois des vagues Et dans la brume au bout du quai Je vois un bateau qui vient me chercher
Pour me sortir de ce trou où je fais des trous Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous Mais le bateau se taille Et je vois que je déraille Et je reste dans mon trou à faire des petits trous Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous Des petits trous, des petits trous Des petits trous, des petits trous
Je suis le poinçonneur des Lilas Arts-et-Métiers direct par Levallois J’en ai marre, j’en ai ma claque De ce cloaque Je voudrais jouer la fille de l’air Laisser ma casquette au vestiaire
Un jour viendra j’en suis sûr Où je pourrais m’évader dans la nature Je partirai sur la grand route Et coûte que coûte Et si pour moi il n’est plus temps Je partirai les pieds devant
Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous Y a de quoi devenir dingue De quoi prendre un flingue Se faire un trou, un petit trou, un dernier petit trou Un petit trou, un petit trou, un dernier petit trou Et on me mettra dans un grand trou Et je n’entendrai plus parler de trou, plus jamais de trou De petits trous, de petits trous, de petits trous