L’approche d’Halloween et de la Toussaint est l’occasion d’aborder le thème de la mort à partir d’un reportage de télévision intitulé « À la Toussaint, comment les Français honorent-ils leurs morts ? » (disponible dans son entier ici https://youtu.be/h9r52Eg7_f4 ).
Dans l’activité suivante, vous trouverez la vidéo divisée en quatre parties indépendantes : infographie, le tabou de la mort, les différentes manières d’honorer les défunts, la visite du cimetière du Père-Lachaise. Chaque activité est accompagnée d’un exercice autocorrectif et d’une transcription.
1 Infographie : la mort en quelques chiffres [début-1:58]
Audrey Racine : Bonjour à tous ! Dans cette émission, comme trois millions de visiteurs chaque année, nous allons déambuler dans les allées du Père-Lachaise, l’un des cimetières les plus célèbres au monde en raison des personnalités qui reposent ici. De Chopin à Jim Morrison, d’Oscar Wilde à Édith Piaf. Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour vous parler du rapport des Français à la mort. Comme souvent nous allons commencer par quelques chiffres.
Voix hors champ : En France, l’espérance de vie ne cesse de progresser. Autrement dit, on meurt plus tard : 79,5 années en moyenne pour les hommes, 85,4 pour les femmes. Depuis 1950, les Français ont retardé le grand voyage de 16 ans en moyenne. Mais mourir plus tard ne veut pas dire moins de décès dans l’hexagone. Bien au contraire ! Entre 2010 et 2017, le nombre de morts est passé de 551 000 à 606 000. Et il devrait encore augmenter. Une tendance qui s’explique notamment par le vieillissement des baby-boomers, cette génération nombreuse de Français nés pendant les vingt ans qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces changements démographiques soulèvent des questions d’ordre pratique. Où et comment enterrer les morts ? En France, comme dans beaucoup pays du monde, les cimetières des grandes villes sont saturés. À Paris, c’est carrément la pénurie ! En 2017, la quasi-totalité des 3 150 morts enterrés intra-muros possédait déjà un caveau familial. Seules 171 nouvelles concessions ont été accordées dans la capitale, 5 000 demandes sont restées sans réponse. L’autre unique solution autorisée, c’est la crémation. Moins chère, plus écologique disent certains. Selon un sondage Ipsos publié pour la ville de Paris en 2018, 63 % des Français la préfèrent désormais à l’inhumation.
2 Rites funéraires : la mort est-elle toujours taboue ? [1:59-5:16]
Audrey Racine : Le choix de l’incinération est donc de plus en plus fréquent. Le crématorium du Père-Lachaise est le plus ancien de France. le premier mort français à avoir été incinéré l’a été ici en 1889. Nous allons maintenant en parler avec Hélène Zwingelstein, anthropologue à l’École des hautes études en sciences sociales et au service funéraire de la ville de Paris. De plus en plus de Français font le choix de la crémation plutôt que de l’inhumation, est-ce qu’il y a un rapport avec le recul du fait religieux dans notre société ?
Hélène Zwingelstein : Alors un rapport, un lien de cause-conséquence directe à établir, c’est difficile de le faire aussi simplement. En revanche, un accompagnement de ce recul ou en tout cas de cette reconfiguration du rapport des Français au religieux, on le constate factuellement au niveau des dates. C’est-à-dire qu’il y a vraiment une transformation des rapports de Français au religieux depuis le début des années 80 et c’est exactement la date à laquelle la crémation a commencé à se développer en France. Après, il y a aussi d’autres phénomènes qui sont intervenus dans ces années-là comme l’urbanisation croissante, une transformation de la famille. Les enfants peuvent habiter dans une région, les parents dans une autre. L’inscription dans une terre ou dans un lieu est peut-être moins évidente à l’heure de choisir son mode de sépulture, son choix d’obsèques.
A.R. : Les morts sont plus nomades qu’avant ?
H.Z. : Alors en tout cas la crémation offre une véritable possibilité de nomadisme ça c’est certain, puisque notamment la crémation peut être suivie d’une dispersion. La crémation implique un traitement du corps mort complètement différent. On se projette dans sa mort et on projette la vision que l’on a de son propre corps mort, c’est-à-dire aussi la vision de la relation que l’on va avoir en tant que mort avec les vivants, avec ses descendants, d’une façon toute à fait différente qu’on pouvait le faire il y a encore deux générations.
A.R. : Différente comment ce rapport aux vivants ?
H.Z. : On a récemment mené une étude avec Ipsos. C’est une étude qu’on réalise depuis plus de 10 ans maintenant et qui nous permet de suivre la progression des tendances. Et cette dernière étude a mis en avant le fait que beaucoup de personnes peuvent choisir par exemple la crémation pour disparaître, ne plus laisser de traces, ou pour ne pas gêner. A contrario, d’autres études plus sociologiques peuvent montrer que la crémation, certes il y a une disparition ou une véritable transformation du corps, mais pourtant du fait de la dispersion qui peut être pratiquée ensuite en pleine nature ou même de la pratique de la crémation elle-même, mettent en avant le fait que finalement les morts n’ont pas disparu mais sont partout.
A.R. : Est-ce qu’on peut dire que la mort a finalement été sortie du quotidien des Français, qu’elle ne fait plus autant partie de la vie sociale qu’avant ?
H.Z. : C’est ce qui se dit souvent. On parle souvent du tabou de la mort. En fait, je ne suis pas convaincue que ce soit aussi catégorique que ça. Je pense que y’a une professionnalisation de la mort. Effectivement, elle est prise en charge de l’accompagnement au décès, jusqu’aux cérémonies de mémoire puisqu’on organise même ici des cérémonies commémoratives. Elle est prise en charge par des professionnels. Donc il y a plutôt une répartition dans la société du travail de la mort, on va dire, du travail imaginaire lié à la mort. Mais la mort est toujours là.
Considérez-vous que la mort est un sujet tabou dans notre société ? Y a-t-il des différences entre maintenant et avant ?
3 Toussaint : se remémorer les proches disparus [5:16-8:03]
Audrey Racine : Ce monument aux morts est l’une des œuvres majeures du cimetière du Père-Lachaise. Il a été inauguré à la Toussaint 1899. Le lendemain, jour de la fête des morts, les Parisiens ont donc pu le découvrir en venant visiter les tombes de leurs proches. Cette fête des morts est souvent l’occasion de venir nettoyer les tombes, de les refleurir. On va faire maintenant un petit tour des traditions en France qui entourent cette fête. C’est avec Laure Manent.
Voix hors champ : Fleurir les tombes de ses proches pour la fête des morts. Une fois par an au moins, rendre hommage à ceux qui sont partis. À la Toussaint, la plupart des cimetières voient défiler les vivants.
Femme : Voilà, on espère que nos enfants en feront autant pour nous après. Mais bon voilà, nous on est encore dans la tradition.
Voix hors champ : Un coup de balai, un peu de jardinage et les tombes retrouvent une nouvelle jeunesse. L’occasion de réunir la famille pour se souvenir de ses défunts. Et c’est partout pareil avec quelques différences selon les régions. Dans la Drôme par exemple, pour saluer ses morts il faut parfois jouer les explorateurs.
Homme : D’un seul coup, on voit un petit carré de végétation là au milieu d’un champ. On dit houp ! Là c’est peut-être un cimetière ! On y va et oui, c’en est un.
Voix hors champ : Quelques tombes nichées sous un arbre, cachées en pleine forêt ou installées dans le jardin familial pour contourner l’interdiction faite aux protestants de pratiquer leur religion sous le règne de Louis XIV. En révoquant l’Édit de Nantes en 1685, le Roi-Soleil les a chassés des cimetières catholiques.
Homme 2 : Ici, c’est mon père Roger, à côté c’est ma mère. Derrière ce sont les grands-parents.
Voix hors champ : Aux fleurs, on préfère donc la tronçonneuse. À Caen aussi, ces sépultures dorment dans la nature. Mais ici point de descendants connus. Faute d’entretien, ces tombes du XIXe siècle s’habillent de mousse et, pour les promeneurs, c’est aussi bien.
Femme 2 : En fin de compte, la nature continue à fleurir ces tombes.
Voix hors champ : Un cimetière figé dans le temps, loin loin de l’ambiance de ceux des Antilles. Sous le soleil de Guadeloupe et de Martinique, ils sont des dizaines à s’activer. Les jobbers, comme on les appelle ici, redonnent un coup d’éclat aux tombes pour arrondir leurs fins de mois.
Jobber : Ils me payent à la fin, le jour de la Toussaint même. Cent, ça dépend, deux cent euros par jour peut-être.
Voix hors champ : Ici on ne plaisante pas avec le look des sépultures. Des derniers-nés aux anciens, familles et amis se réunissent pour une veillée nocturne conviviale.
Femme 3 : J’ai remarqué que nous ne prions guère. Nous préférons causer, nous bavardons, nous échangeons.
Voix hors champ : La solennité des lieux et de l’instant ne change rien à l’affaire. Les vivants sont là pour passer un bon moment et faire la fête avec les morts.
Parmi les différentes sépultures proposées dans ce reportage, laquelle vous plaît le plus ? Justifiez.
4 Père-Lachaise : dernière demeure des célébrités [8:03-fin]
Audrey Racine : Si le Père-Lachaise est l’un des cimetières les plus visités au monde, c’est en raison de ses illustres occupants. Nous sommes avec Régis Dufour Forrestier. Bonjour !
Régis Dufour Forrestier : Bonjour !
A.R. : Vous êtes président et fondateur de la société des amis et passionnés du Père-Lachaise. Nous sommes devant l’une des sépultures les plus anciennes de ce cimetière et aussi l’une des plus célèbres, celle d’Héloïse et Abélard, qui contrairement à Roméo et Juliette, sont des amants maudits qui ont réellement existé. Leurs amours contrariées se sont terminées au XIIe siècle avec leur mort, mais ils ne sont venus ici au Père-Lachaise qu’au XIXe siècle. Pourquoi avoir transféré leur sépulture ici ?
R.D.F. : Tous simplement parce qu’en 1817, sur l’étendue de ce cimetière, on a 250-300 sépultures, c’est-à-dire rien. Et on a acheté ce terrain à prix d’or. Le dernier propriétaire, il a senti passer la belle affaire. Et par contre, les Parisiens veulent pas venir ici parce qu’on est à trois kilomètres du Paris d’alors. Et donc à l’époque, on suit les enterrements à pied, le chapeau à la main, par n’importe quel temps.
A.R. : Et la balade est trop longue ?
R.D.F. : Et la balade est trop longue ! Alors en 1817, on va avoir une idée de génie. On va faire ce qu’on appelle aujourd’hui une opération de marketing, une opération publicitaire. On va faire revenir ici Héloïse et Abélard. Alors ça a bien marché ! Ça a bien marché, parce que 1817 donc 250-300 sépultures, 1830 déjà 38 000, pour arriver pratiquement à 70 000 aujourd’hui. D’ailleurs, dans la foulée, on va faire venir aussi d’autres personnages, mais c’est un peu plus controversé : Molière et La Fontaine.
A.R. : Alors justement, on va aller voir les tombes des fameux écrivains.
R.D.F. : Alors le pauvre Molière, on ne sait pas franchement s’il est là. C’est-à-dire que c’est très ambigu. Y’a des tas de légendes qui courent là-dessus. Alors en 1792 donc, on avait soi-disant exhumé Molière et La Fontaine dans le cimetière Saint-Joseph. Bon, La Fontaine déjà était enterré au cimetière des Innocents. Donc c’est raté. Donc on a pris des ossements qui étaient là et on va entreposer ça dans la, disons, dans la loge des gardes. Et les gens viennent piocher là-dedans. On vient prendre des petits souvenirs [A.R. : prendre des reliques], des petits nonosses pour ramener des trucs à la maison. Alors ce qui fait qu’à mon avis il ne doit plus rester grand-chose. Et donc en 1817, on retrouve ces deux cercueils avec ces ossements au musée des Monuments nationaux. C’est là qu’on va les prendre pour les amener au Père-Lachaise, donc pour faire cette opération marketing.
A.R. : Ici au Père-Lachaise, on est dans un musée à ciel ouvert, un résumé de l’histoire de France ?
R.D.F. : Alors des grands personnages de l’histoire, on a ici beaucoup de gens qui ont fait la Révolution française. Sur les 26 maréchaux de l’Empire, on a un bon paquet qui repose ici. En 1814, les Russes vont prendre le Père-Lachaise qui était défendu par les élèves des grandes écoles. Ils vont pas y rester longtemps d’ailleurs. La Commune de Paris après la Semaine sanglante, après le 28 mai 1871, on va prendre ici les armes à la main les 147 derniers Communards, qui seront fusillés d’ailleurs devant le mur qu’on appelle encore aujourd’hui ici le mur des Fédérés. C’est un lieu très chargé d’histoire. On vient ici, il s’agit bien souvent de visiteurs qui sont quand même beaucoup plus intéressés par les people. Ils préfèrent Moustaki, ils préfèrent Édith Piaf, bon les généraux de l’Empire…
A.R. : Édith Piaf qui est aujourd’hui la tombe la plus visitée du Père-Lachaise ?
R.D.F. : C’est la tombe… on peut considérer que c’est la tombe la plus visitée du Père-Lachaise.
A.R. : Merci beaucoup Régis Dufour Forrestier d’avoir été notre invité. On se quitte ici au Père-Lachaise, à côté de la tombe de Molière et de La Fontaine. Restez avec nous sur France 24 ! L’information internationale continue sur notre antenne.
Lexique : un nonosse (un os en langage enfantin)
C’est à vous ! Existe-t-il dans votre pays des cimetières célèbres ?
Recommandation :
Petite activité pour s’entraîner au vocabulaire : https://allofle.com/les-pompes-funebres-vocabulaire-du-niveau-avance/